Colporteurs d’histoire(s)Deuxième époque : de la Renaissance à la Révolution
Faire revivre les colporteurs, c'est revisiter l'histoire à travers des images qui fluctuent entre mythe et réalité ; c'est suivre, pas à pas, la parole errante sur les chemins de nostalgie ; et c'est aussi jouer et chanter avec les fantômes du passé dont la raison humaine ne peut se passer. Pour notre plaisir théâtral, ils traversent les époques et nous apportent les chroniques du temps. Ils nous racontent de courts récits de l'Histoire de France en saynettes et chansons, pour nous divertir et nous émouvoir.
Qu'ils soient attendus ou mal vus, dans les villages et les bourgs, les colporteurs ont sillonné l'Europe, surtout du XVe au XIXe siècle. Dans ce deuxième périple, les «Colporteurs» transbahutent dans leurs bagages une certaine vision de l'histoire recréée sur un «Pont-Neuf» imaginaire !
Quels choix de textes, de chansons, de mise en scène ?
Dans un domaine aussi vaste, aussi riche, aussi contrasté, les choix artistiques ne peuvent être que subjectifs et aléatoires. Alors nous avons laissé notre imagination vagabonder vers des rencontres de hasard avec des textes historiques, des souvenirs, des airs populaires, des disques et des livres et nous avons exploité avec délices l’œuvre de Claude Duneton. L'objectif étant d'aboutir à ce «rendez-vous» avec les Colporteurs-comédiens, intemporels qui jouent l'histoire en interprétant librement les mots des chroniqueurs et les récits de naissance des chansons. Un «rendez-vous», sur la place publique, avec les «vendeurs» de chansons immortelles qui défient le temps, les modes, les frontières et les langues. Un «rendez-vous» inspiré par le théâtre de foire, par l'art du Pont-Neuf, et par de multiples clins d’œils à l'esprit frondeur et burlesque qui souffle sur les tréteaux.
Parmi ces Colporteurs, dits «faméliques», certains sont mi-marchands mi-saltimbanques ambulants, ainsi que les décrit Laurence Fontaine dans «Histoire du Colportage en Europe»
«Ils donnent un spectacle, se donnent en spectacle et vendent du divertissement et du rêve !... Les plus riches de ces vaguants ont quelques marchandises à offrir, un peu de mercerie, des jouets, quelques imprimés et pour vendre ils mettent en scène rêves et attentes paysannes. Les ballades et les faits divers ouvrent les villageois enclavés aux événements du monde, à l'étrangeté des comportements, aux remuements de l'actualité. Qu'importe que les faits soient fantaisistes et merveilleux, l'essentiel est l'affirmation par le narrateur de leur nouveauté et de leur véracité !»
Dans "Histoire de la chanson française" Claude Duneton écrit :
«Chanter ce n'est pas lire ...ce n'est pas parler non plus . Chanter c'est laisser aller sa voix; son souffle , porter une émotion vers autrui ou simplement la sentir monter en soi. On chante avec les autres, 1e groupe, les amis, la foule, pour goûter le partage des émotions, la nostalgie ou l'enthousiasme pour se sentir soudés, plein d'espoir, forts. Le chant unit les fidèles à leurs dieux, aussi bien qu'il berce la fraternité des buveurs, qu'il attendrit les amoureux ou stimule les combattants. Le chant, parfois affronte la mort […]. Alors le moment est sans doute venu de mieux connaître le passé de la chanson lointaine, sortie des poitrines échauffées, brûlantes d'amour ou d'enthousiasme de ceux et celles qui sont devenus des millions et des millions de fantômes...
Arrive le temps de l'histoire […].
La chanson populaire est celle qui appartient à tout le monde et à personne.
Les ménestrels prolongeant les jongleurs, les adaptent à toutes les situations, et selon leur culture propre, leur public, leur inspiration, les transforment, y ajoutent, certains éléments, en oublient d'autres ;parfois ils, changent tout à fait la musique.»Les chansons du spectacle :
• « Pilons l'Orge » - Anonyme du XVème siècle. Chanson populaire rythmant le travail des champs.
• «Les vendeurs de chansons » Chanson traditionnelle des bateleurs, baladins et chansonniers du Pont Neuf, sur un air de vaudeville du XVIIème siècle. Pour nous, la Chanson fétiche de nos colporteurs !
• « La Bataille de Marignan» de Clément Janequin (1515) Hymne polyphonique à la musique savante pour célébrer ladite victoire.
• « La mort de La Palice » - Anonyme (1525) Chanson railleuse à l'encontre du Maréchal de La Palice mort à la bataille de Pavie.
• «Chanson contre le Pape» d'Eustorg de Beaulieu (1546).
• « Arri bourriquet » - Anonyme (1560) - Chanson de propagande huguenote se moquant des catholiques.
• « Cantiques sur le massacre de la Saint Barthélemy" » - d'Étienne de Maisonfleur (1572) Hymne écrit « à chaud», quelques jours après le carnage, sous le choc de l'émotion, par un survivant.
• « Mon Dieu ! où est le temps ? » - Anonyme (1590) - Probablement écrit par un «ligueur» catholique, cette chanson portait en frontispice : « Complainte des pauvres catholiques de la France... sur les cruautés et rançons qu'on leur a faites ! »
• « Le printemps retourné » - Anonyme (1586) - Inspiré de Ronsard - Allusion aux guerres de Religion.
• « En m'en allant au moulin » de Gaultier Garguille (1631) - Chanson égrillarde écrite par le farceur de l'Hôtel de Bourgogne, que nous avons placé sur le Pont Neuf, où sans doute il débuta comme tant d'autre saltimbanques !
• « La chanson des harengères » - Anonyme (1648) et bouquet de« Mazarinades » - Chansons politiques et insurrectionnelles pendant les Barricades contre le gouvernement et les mœurs de Mazarin.
• «Qu'importe que tu sois... » de César de Chevigny (1655) - Étonnante chanson «moderne», écrite par un précurseur des idées du XVIIème siècle, un prêcheur d'athéisme épicurien !
• « Air sur les enfarinés » de Philippot 1665) - Chanson satirique contre la mode des perruques et des poudres, que nous avons détournée (suivant en cela la bonne tradition de la chanson populaire) pour annoncer la mort de Molière.
• « Martin prit sa serpe » - Anonyme (1724) - Ronde insolite et moqueuse qui rappelle sans doute le terrible hiver de 1709 qui emporta bien des paysans.
• «Enfin Louis le Grand est mort » - Anonyme (1715) - Réjouissance populaire à la mort du Roi despote, Louis XIV, sur l'air, très prisé à l'époque de «la Faridondaine».
• « Jeanneton ...» et bouquet de chansons dites folkloriques - Chansons faussement naïves et enfantines du XVIIIème siècle qui cachent bien des fantasmes !
• « Les bienfaits du système » (1719) et « Les méfaits du système » (1720) - Chansons sur le système financier mis en place par Law qui provoque spéculation , inflation et banqueroute.
• « La complainte de Mandrin » - Anonyme (1755) - Chanson légendaire qui n'est qu'un reflet éloigné de l'authentique personnage, bandit d'honneur, tenant tête à l'armée.
• « Un Roi de vingt ans » de Charles Collé (1774) - Éloge du jeune Roi Louis XVI, dont le règne débute sous le signe de l'espérance, avec une pointe d'ironie dubitative.
• « Autrefois, aujourd'hui » de Louis - Sébastien Mercier (1783) - Chanson du style vaudeville jetant un coup d'ail amusé sur le progrès et les nouvelles mœurs de fin du siècle.
• « Malbrough s'en va-t- en guerre » - Anonyme (1781) - Chanson du Pont Neuf qui avait servi de berceuse au dauphin, fils de Louis XVI !
• « La trahison punie » de Ladre (1792) - Chanson révolutionnaire menaçante, sur l'air de « Malbrough », qui accuse le Roi et Marie Antoinette d'intelligence avec l'ennemi.
• « Digo d'Jeannetto » de Marsollier (1789) - Chanson en patois extraite de l'opéra-comique « Les deux petits Savoyards », qui connut un immense succès.
• «Déclaration des droits de l'homme » - Anonyme (1789) Hymne didactique et politique à la gloire de la liberté et de l'égalité.
• « Ça ira » de Ladré (1790) - Un chanteur de rue composa ces paroles, la foule les chanta sur le chantier de la « Fête de la Fédération », et les révolutionnaires y ajoutèrent un féroce refrain.
• « Au clair de la lune), - Anonyme (1790) - Pendant les échauffourées, la chanson douce et érotique continue !
• « Le voyage du bonnet rouge » de Salle (1792) - Chansonnette aux allures farfelues, pourrait être une première version de «l'Internationale » dans l'esprit universaliste des sans-culotte.
• « La guillotine » - Anonyme (1792) Eloge du tranchoir égalitaire !
• « La Carmagnole ", - Anonyme (1792) - Chanson emblématique de la révolution ; Commentaire railleur-vengeur de l'actualité aux dépens de la Reine et du Roi, qui allait évoluer avec les évènements (et même revenir dans le sud d'où serait partie la mélodie !).
• « La Marseillaise » de Rouget de Lisle (1792) La surprise !
Quelques repères historiques :
1431
Mort de Jeanne d'Arc
1453
Fin de la guerre de Cent Ans
1492
Christophe Colomb aborde aux Antilles
1515
Avènement de François 1er La victoire de Marignan lui assure la possession du Milanais
1525
François 1er, vaincu à Pavie, est fait prisonnier.
1547
Avènement d'Henri II
1559
Avènement de François II
1560
Avènement de Charles IX, et gouvernement de sa mère : Catherine de Médicis
1562
Guerre de Religion entre Catholiques et Protestants.
1572
Massacre de la Saint Barthélemy
1574
Avènement d'Henri III
1576
Henri de Guise forme la Sainte Ligue dirigée autant contre le roi que contre les protestants
1588
Après la Journée des Barricades, Henri III s'enfuit de Paris. Il laisse la place à Henri de Guise, puis le fait assassiner à Blois.
1589
Henri III assiège Paris. II est assassiné à son tour par le moine Jacques Clément.
Crise salique : la couronne sans héritier mâle.
1594
Henri IV entre à Paris
1598
Édit de Nantes : accorde aux protestants l'amnistie et la tolérance religieuse.
1610
Henri IV est assassiné par Ravaillac. Avènement de Louis XIII. La régente Marie de Médicis et Concini dirigent le gouvernement
1643
Avènement de Louis XIV
Gouvernement d'Anne d'Autriche et du Cardinal Mazarin
1649-1653
La Fronde : Troubles politiques contre Mazarin.
1661
Mort de Mazarin
1673
Mort de Molière
1685
Révocation de l'Édit de Nantes
1715
Avènement de Louis XV et Régence de Philippe d'Orléans
1716-1720
Système financier du banquier John Law
1774
Avènement de louis XVI
1776
Proclamation de l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique
1789
Début de la Révolution française avec la prise de la Bastille ; Nuit du 4 Août : l'Assemblée Nationale vote l'abolition des privilèges ; et le 26 août, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
1791
Rattachement du Comtat Venaissin à la France.
1792
21 septembre. Proclamation de la 1ère République.
Vincent Siano
Distribution :
Comédiens-Chanteurs et musiciens :
Joëlle Arduin
Jean Luc Blatière
Gilbert Chiron
Marie coquet
Nicole Ferrer
Jean Marie Fraysse
Florence Galvez
Daniel Giusiano
Marcel Leccia
Suzanne Mas-Rubio
Denis Mergault
Marie Noëlle Muller
Patrick Joussemet
Scénographie :
costumes: Olivia Charbonnel
Décors : Patrick Roux
Maquillage : Cathy Arnaud, Laure Chiron
Régie et éclairage : Mathieu Charasson
Remerciements pour leurs conseils avisés :
Pierre Simiand
Christian Vermorel
Roger Blanchard
Érick Priano
Pierre Valy
Sources bibliographiques :
Histoire de la chanson française. Claude Duneton. Seuil - 1998
Paris Voix de Ville. Roger Blanchard. Ville de Paris - 1998
Anthologie des chants populaires français. Joseph Canteloube. Durand – 1951
Cours d’histoire de la musique. Jacques Chailley. Leduc – 1972
Histoire de France. Marc Ferro. Odile Jacob – 2001
L’identité de la France. Fernand Braudel. Flammarion - 1986
Histoire du colportage en Europe. XVème /XIXème siècle. Laurence Fontaine. Albin Michel – 1993
Le théâtre du foin au XVIIIème siècle. Dominique Lurcel. 10/18 – 1983
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